Prose

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Elle a déjà vécu d’autres situations difficiles et s’en est toujours sortie. C’est comme ce village de vieux où elle a passé toute son enfance, si elle n’avait rien fait, elle serait morte, ou elle serait devenue vieille, ou pire encore, un enfant vieux.

 

Un jour, il pleuvait, elle devait avoir huit ou neuf ans, plutôt huit que neuf, elle avait enfilé ses bottes, et avec sa cousine elle était allée se promener.

- Dis Julie tu l’aimes ton papa ?

- Bin oui, avait répondu Julie tout en pensant à autre chose.

- Et tu fais quoi avec ton papa ?

- Bah, je sais pas avait répondu Julie, toujours en pensant à autre chose.

- Et ton grand-père tu l’aimes ?

- Bin, oui, avait encore répondu Julie.

- Et tu fais quoi avec ton grand-père ?

- Bin, je sais pas.

Et soudain prise d’une inspiration subite Julie avait rajouté :

- Je cours après les papillons.

- Et après ? Avait demandé Valérie

- Après ? Bah, je sais pas.

Ce jour-là Valérie n’avait pas insisté.

 

Sa cousine évitait sagement toutes les flaques d’eau et elle, la méchante petite Valérie, exprès elle marchait dedans, pas juste un petit pas dedans pour voir quelques vaguelettes troubler un ordre parfait, non elle prenait son élan, et splash, ce splash là c’était pour le grand-père, et splash, celui-là c’était pour son père, et resplah, là c’était pour sa mère. Au bout d’un moment Valérie en avait eu assez de splasher dans toutes les flaques d’eau, alors elle s’était arrêtée, elle avait regardé au fond de la flaque, elle avait vu une jolie petite fille au regard un peu rêveur, elle n’avait pu se retenir, elle avait à nouveau splashé, et puis regardé au fond de la flaque, et tout au fond de la flaque elle avait vu une petite vieille toute ridée au regard inquiétant. C’est ce jour-là qu’elle avait pris sa décision : les vieux, oui les vieux, et puis les vieilles aussi, elle allait les éliminer tous, les uns après les autres, méthodiquement.

 

Dés le lendemain elle avait mis son plan à exécution. Elle avait commencé par la dernière maison du village.

 

Elle aurait pu commencer par le plus horrible des vieux, celui qui crachait sur tout ce qui obscurcissait sa vue : l’oiseau qui faisait du courant d’air, l’arbre qui volait le soleil, le soleil qui chauffait trop, la pluie qui ne mouillait pas assez, l’enfant qui était trop petit, la femme trop belle, la soupe trop salée, ou pas assez, les heures trop longues, ou trop courtes, et cette satanée vie, une vie de chien que même les chiens n’en voudraient pas.

 

Mais le plus horrible des vieux n’était-il pas cette vieille qui bénissait le ciel du temps qu’il faisait, qui souriait aux anges quand l’autre vieux lui crachait dessus, qui, tout en caressant les membres tordus que la vie lui avait donné, chantait les merveilles de son âge avancé ?

 

Ou peut-être que le plus horrible des vieux c’était celui qui avait une barbe toute blanche peignée avec soin, et puis aussi des cheveux tout blancs, et un chapeau tout noir et des lunettes toutes noires, et un costume tout noir. Un vieux qui tous les matins venait s’installer sur l’unique banc du village, un vieux qui tous les soirs retournait dans sa maison, un vieux qui faisait très peur à Valérie.

 

Trop difficile de faire un palmarès de la vieillesse, trop difficile pour une enfant de huit ans. Commencer par la maison du bas, terminer par la maison du haut était bien plus facile.

 

La maison du bas était tout en pierre. Une minuscule fenêtre laissait pénétrer la lumière, à certaines heures du jour seulement. Dans la maison : une vieille qui se levait dés sept heures. Sitôt levée elle enfilait sa robe de chambre qui devait bien avoir le même âge qu’elle, descendait dans la pièce du bas, allumait le feu, préparait le café, coupait deux tranches de pain, les beurrait puis appelait son homme.

- Jules, le café est prêt.

Le Jules descendait, buvait son café sans prononcer le moindre mot puis remontait, allait dans la salle de bain, se mouillait le peu de cheveux qui lui restaient, enfilait les vêtements de la veille, descendait, et avant de sortir mettait ses bottes. Sans un mot pour sa vieille il ouvrait la porte, regardait le ciel et marmonnait : « va encor’avoir du vent aujourd’hui ». Puis il descendait au jardin, son pas accusant ses articulations douloureuses. Dans le coin du jardin une cabane. Dans la cabane bien alignés : une bêche, un râteau, une binette. Dans le coin droit de la cabane : un arrosoir. Dans le coin gauche de la cabane : une brouette. Dans une cagette : de la corde, quelques clous. Dans une autre cagette : des boîtes en plastique avec des étiquettes sur lesquelles le temps avait effacé les lettres écrites maladroitement.

Valérie se souvient, c’était l’été, comme chaque matin le Jules prenait sa brouette et sa binette, atteignait le jardin, commençait par en inspecter minutieusement chaque centimètre carré. Cette inspection durait bien deux heures : d’abord les rangs de poireaux alignés dans un ordre parfait, puis les salades en quinconce à faire pâlir les étoiles, les plants de tomates qui mûriraient si l’été n’était pas pourri. Souvent Valérie, cachée derrière une petite murette, n’ayant pas la patience d’attendre la fin de l’inspection, laissait le Jules à son jardin impeccable et allait espionner la vieille.

La vieille de la maison d’en bas s’appelait Ernestine. Elle le savait parce que sa mère le lui avait dit, mais elle n’avait jamais entendu personne l’appeler ainsi. Juste sa mère qui lui disait : « va dire bonjour à Ernestine ». Sa mère ne lui disait jamais d’aller dire bonjour à Jules, juste à Ernestine. Valérie, petite fille obéissante s’exécutait. Elle frappait à la porte, personne ne lui répondait, elle entrait, il lui fallait bien quelques minutes pour s’habituer à l’obscurité. La vieille était là, un chiffon à la main, et elle frottait, frottait, frottait par terre, frottait la table qui occupait presque toute la pièce, frottait les bibelots alignés en rang d’oignons sur le buffet, frottait la cuisinière. Sur la table une cagette avec des poireaux, des carottes et des pommes de terre. Si Valérie était venue une heure plus tard elle aurait vu  l’Ernestine préparer la soupe. Si Valérie était venue deux heures plus tard, elle aurait vu Jules et Ernestine assis à table, avalant lentement leur soupe, les yeux rivés sur l’appareil de télévision frais astiqué du matin ; si Valérie était venue trois heures plus tard elle aurait vu Jules et Ernestine piquer leur petit roupillon, chacun dans leur fauteuil respectif, la tête en arrière pour Jules, la tête en avant pour Ernestine, les yeux de Jules grand ouvert, les yeux d’Ernestine mi-clos. Valérie aurait presque pu les aimer ces deux vieux-là, si seulement ils l’avaient un jour regardée, si seulement ils lui avaient un jour parlé. Le vieux aurait pu lui donner une fraise de son jardin, la vieille un petit bout de gâteau, ces quelques douceurs auraient peut-être calmé quelque peu la douleur que Valérie trimballait avec elle jour après jour, nuit après nuit, peut-être alors la corde n’aurait-elle jamais existée, peut-être Valérie ne serait jamais perdue. Ces vieux-là, ils auraient aussi pu raconter leurs enfants qui étaient partis sans jamais revenir, leurs petits-enfants qu’ils ne connaissaient pas. Non, rien, jamais un mot, jamais un regard, rien, rien, rien.

Valérie mettrait son plan à exécution cette nuit, Valérie ne revient jamais sur ce qu’elle a décidé.

 

La nuit venue, Valérie avait déterré tous les poireaux, et les salades, et les plants de tomates, et les carottes, et les choux, et toutes ces plantes dont elle ne connaissait pas le nom et elle avait tout replanté dans la pièce du bas. Auparavant elle avait pris tous les bibelots, et le balai, et les chiffons. Les bibelots elle les avait plantés dans le jardin, le balai et les chiffons elle les avait mis dans la cabane, la pelle, la binette et le râteau, elle les avait installés dans la maison, bien alignés sur le mur de droite.

 

Les jours suivants Jules et Ernestine s’étaient levés comme d’habitude.

 

Le premier jour Jules était sorti, il avait longtemps inspecté son jardin. Puis il était allé dans la cabane, il était resté perplexe devant le balai, avait fini par s’en saisir, des heures durant il avait balayé ce qui restait de son jardin. Ernestine était restée quelques minutes songeuse devant tous ces légumes terreux qui ornaient son carrelage. Elle avait cherché son balai, et puis son chiffon, elle avait fini par prendre le râteau, mais ne sachant s’en servir, elle l’avait reposé et avait fait la soupe.

 

Le deuxième jour Jules n’était pas sorti. Toute la matinée il avait inspecté ses poireaux et ses salades qui commençaient à flétrir. L’après-midi il l’avait passée à chercher en vain son arrosoir. Ernestine était sortie, elle avait regardé ses bibelots bien alignés dans le jardin. Longtemps elle avait regardé la vierge, celle qu’elle avait ramenée de Lourdes, son seul voyage, c’était pour le tout petit, celui sur lequel elle avait veillé tant de nuits, celui qui un jour s’en était allé, bien avant les autres. Elle avait vu la cabane, avait trouvé son chiffon, longtemps elle avait astiqué les bibelots.

 

Le troisième jour une odeur nauséabonde avait commencé à envahir la maison, la soupe avait un drôle de goût.

 

Le quatrième jour ni Jules, ni Ernestine n’étaient sortis. Pour la première fois depuis des années ils s’étaient regardés. Jules avait vu un petit bout de bonne femme aux yeux délavés. Ernestine avait vu un homme tout ratatiné au regard perdu.

 

Le cinquième jour Jules avait dit « Ernestine ». Ernestine avait dit « Jules »

 

Le sixième jour ils ne s’étaient pas levés.

 

Le septième jour ils s’étaient éteints.

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             Rendez-moi donc ma liberté! J'ai eu, pendant longtemps, le sourire inutile de la femme imbécile qui est emprisonnée. Oublier, je dois tout oublier... Oublier de partir et de fuir. Oublier de travailler, quand il ne faut que survivre... Je dois jeter le voile et cracher dans le bénitier. Je veux réaliser les rêves que j'avais lorsque je n'étais qu'une toute petite fille...

            Trapéziste... Je me souviens, je voulais être trapéziste. J'aurais attaché deux cordes dans le ciel. Et je serais montée sur les nuages à l'aide d'une longue échelle. Ensuite, j'aurais skié en freinant sur l'écume des plus bas nuages. Je me serais doucement laissée tombée avec la pluie fine sur les toits. Les chats m'auraient montré le chemin nocturne qui mène à la fenêtre de ma chambre. Je me serais glissée bien au chaud sous la couette, et je me serais endormie dans un songe d'amour...

            Lorsque j'aurais ouvert les yeux, le monde n'aurait plus été le même. Ça aurait été un détail saugrenu, quelque chose que je n'aurais pas remarqué tout de suite. Un petit quelque chose, un rien, qui ne peut retenir l'attention que des rêveurs et des enfants - parce que les enfants rêvent toujours.

            La couleur peut-être. La ligne de l'horizon, bien définie comme à l'ordinaire, aurait délimité un ciel parfaitement rose, teinté de nuages violets, et la forêt aurait revêtu le bleu transparent des cristaux. Un Soleil énorme, et non loin de là, une planète gigantesque à demie cachée par le relief des montagnes fractales.

            Et moi, j'aurais regardé tout cela comme un artifice, avec admiration et respect.

 

            Silence.

 

            Il y a toujours en moi cette petite fille qui trouvait que le monde qui l'entourait était merveilleux. Il y avait le feu qui crépitait sur la terre féconde, qui produisait une fumée épaisse et noire, qui montait dans la nuit, vers les étoiles.

            Ces milliers d'étoiles qui scintillaient sous la voute céleste, je savais qu'elles masquaient des corps sombres sur lesquels prospéraient des civilisations éclairées. Il y avait là-haut, quelque chose qui ressemble à un cœur qui bat et qui palpite. Je m'imaginais l'amour qui unissait les Êtres. Je songeais à la beauté des paysages inaccessibles et extraordinaires. J'essayais d'imaginer la grandeur des sentiments qui devait faire vibrer les créatures de l'univers.

            C'était alors la porte ouverte aux rêves les plus fous. Et je savais que la réalité devait être encore plus belle, et dépassait l'entendement.

            J'étais comme une toute petite fleur au milieu des étoiles, et je songeais soudain que la planète qui m'avait donné la vie était, elle aussi, magnifique. La rivière coulait son lit aux reflets magiques en contrebas des pâtures; les lumières rouges d'un avion flirtaient avec la Lune, et disparaissaient dans la noirceur des nuages. La nature s'exprimait au plus fort d'une nuit d'été. Et c'était bien moi cette petite fille, qui s'émerveillait d'être heureuse. Et c'était bien moi. Cette petite fille. Qui s'émerveillait. D'être heureuse.

            J'ai grandi depuis.

            Les années et les grandes personnes ont essayé de me faire oublier mes rêves. On m'a dit: "Ne rêve plus! Tu dois tout sacrifier au paraitre, il faut être réaliste, on ne peut pas toujours décrocher la Lune". J'ai résisté. Et puis j'ai fini par faire semblant. Je me croyais autonome. Je pensais que je leur jouais un tour.

            Un jour, je me suis aperçue que je n'étais plus maître de moi-même. Je m'étais empêtrée dans le réalisme des têtes baissées. J'avais perdu ma bataille et rangé mes rêves au placard de l'enfance.

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Elle l'aimait, il l'aimait, cet état de fait établit, et passée la terreur de pouvoir aimer dans le vide, il ne lui restait que la crainte de naviguer entre son sexe, ses baisers, ses réveils, son rire, ses idées, la facon dont elle peignait les mots dans le ciel à l'aide de ses deux légères mains fragiles.
La crainte terriblement unique de savoir que l'on aime et que tout peut s'éteindre. Il l'avait laissée lassive et l'attendait pensif.
Elle ne revint jamais. En reste ces dessins qui jalonnent son ciel
Trois voyages morts-nés
Un château de chagrin
Insurmontable été qu'il passera c'est certain
Et ce retour toujours, bien plus qu'incertain
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Enfants blessés, triturés, torturés, enfants du travail et du bagne du sexe, vous trimez et à la fin vous êtes tronqués ! Vous pleurez des larmes de sang, vous trinquez et vous êtes traqués par des triques ! Votre blessure me va droit au cœur, votre chant de misère s’élève comme une lumière venue des profondeurs de la terre !

Ô enfants, qui dira vos tortures secrètes, vos angoisses, vos peurs et quelle mère atroce  et ordurière vous a avorté pour vous jeter dans la mine ! Endormez vous dans une chaude lumière et demain sera un  nouveau jour ! Vous êtes l’incarnation fervente des Idées du Beau et du Bien ! Vous irez au Royaume des Cieux !

Enfants guillotinés, enfants destinés à l’empalement ou au stupre, enfants abandonnés, délaissés, débinés, détestés, désenchantés ! Enfants de la pourriture et des stupéfiants ! Enfants des cadavres putrides et des mines de diamant ! Enfants kidnappés, disparus sans laisser d’adresse ! Enfants ! Vous n’êtes que des enfants et déjà vous êtes des morts-vivants ! Qu’Apollon et Aphrodite vous protègent par delà les étoiles et les monts neigeux ! Et que le Christ, qui en sa toute bonne foi, vous aime, vous fasse parvenir dans la couronne ! Là où des montagnes de saphir et de rubis rayonnent et resplendissent ! Là où l’Or coule à flots ! Enfants de la fange vous serez sauvés !

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LE TEMPS  

Ce que je voudrais te dire
Ce que je voudrais laisser….
Une trace des moments déjà passés
Des moments à venir
Une trace de tous les instants….
Instants intenses étoile filante
De ce temps qui fuit
Le temps passe, le temps court
Dans notre destinée

Le temps tue…..le temps passe…
Le temps joue…le temps se joue
Le temps efface…..le temps s’efface…
Dans nos existences temporelles

Fleur éphémère
Etincelle éternelle
Dans nos regards brillants
Dans nos sourires vivants
Le temps….le temps d’une pause
Parfum passionné de la vie…
De la passion
Illusion ….sans devenir
Hallucination …rêve
Touchés du doigt puis enlacés

Le temps tue…..le temps passe…
Le temps joue…le temps se joue
Le temps efface…..le temps s’efface…
Dans nos vies fugitives

Défier le temps… c’est vivre
Chaque jour …un instant perpétuel
Chaque minute sans besoin de lendemain
Chaque seconde entrainant dans la danse
Perdu…gagné…qui le décide
Vivre ou survivre à nus de choisir
Nager dans le courant du temps qui s’écoule
Profiter de chaque vague que l’océan de la vie nous offre

Le temps tue…..le temps passe…
Le temps joue…le temps se joue
Le temps efface…..le temps s’efface…
Dans nos êtres en transit

Le temps se tue….le temps bouleverse
Le temps pleure….le temps rit…
Le temps danse…le temps meurt aussi

dans nos histoires fugaces
le temps passe….le temps s’écoule
dans nos réalités volatiles
le temps passe …se consume

  • Tétanisante inertie
    28.05.2020 12:18
    procrastination ?
     
  • Larme...
    28.05.2020 12:17
    je pense que je voulais dire un truc spéciale... caché... intrigant :-)
     
  • Larme...
    28.05.2020 12:15
    bah en fait je ne sais même plus ce que voulais dire !! lol :-) en tous cas attristés prend ées :-)
     
  • Haïku doré
    26.09.2012 16:01
    Bon Jour, Ciel, Si je puis me permettre, en toute amitié: 5/7/5 Vaste champ d'épis - Mot de saison ...
     
  • Lettre par Aurore Dupin
    23.09.2012 10:27
    aurore Dupin est le vrai nom de George Sand, elle a envoyé cette lettre à Alfred de Musset... je vous ...