Il remonte à ma mémoire des souvenirs anciens.
Quand mon corps encore bien jeune guidait mes pas
Laissant à la raison le soin d’expliquer les faux pas,
Avocat commis d’office, à la fois juge et gardien.
Je parcourais la montagne d’un pas plutôt alerte,
Dévalant les sentes pierreuses jonchées de bois morts.
Je me croyais explorateur, je me sentais fort,
Croquant fraises des bois et mûres encore vertes.
Que j’aimais ces paysages sévères, ces robines,
Que je descendais en glissant, minuscules avalanches
De calcaire sombre, de pyrites et de poussière blanche,
Sur les noires pentes qui s’entrecroisent en ravines.
Parfois, caprice de la nature s’offrait une cascade.
Tombait du haut des cieux une trop froide douche
Aux eaux claires qui déchaussait les souches,
Moment de détente au milieu de la ballade.
Je me rappelle ces tritons affolés fuyant la main
Qui les déloge de leur caverneuse cache.
Les gélatineuses guirlandes qui se détachent
Des narcisses et qui seront crapauds demain.
Au comble du bonheur j’ai eu un jour la chance
De voir un couple d’aigles qui se faisaient la cour.
En vol rivalisant d’audace et chantant leur amour,
Rois de l’espace indifférents à ma présence.
J’ai entendu une fois ce bruit d’abeilles affolées,
Ce bourdonnement annonciateur de la foudre,
Juste avant de voir dans le ciel se dissoudre
L’écorce d’un pauvre chêne soudain pelé.
Je me souviens du panorama merveilleux
Qui s’offrait à ma vue, du haut du Cousson,
Quand s’exposait au temps des moissons
Un Digne lascif à l’orgueil chatouilleux.
Mais ces temps ne sont plus et c’est sans tristesse
Que je les passe en revue dans mon cinéma intérieur.
Dans cette région où le ciel cache ses pleurs,
J’ai vécu nombre de moments d’allégresse.