La tour se dresse haut dans le soleil couchant.
Sa pierre grise luit de l’humidité qui s’y dépose,
Elle se teinte maintenant de dégradés de rose.
Les grenouilles dans les douves entonnent leurs chants.
Les créneaux se découpent, comme une roue dentée,
Sur l’horizon qui s’assombrit en strates ensanglantées.
L’ombre massive s’étend sur les cœurs désenchantés,
On entend des murmures attristés dans les murs hantés.
La cour résonne de pas. Des âmes y demeurent
Par trop attachées à leur prestige, à ces fastes d’antan,
Elles ont oublié de partir, elles errent depuis si longtemps.
Depuis des siècles ici, il n’y a que le soleil qui meure.
Quand la nuit est bien obscure, la lune étant absente,
On voit parfois des lueurs et des ombres qui dansent.
Les silhouettes éthérées semblent se remplir la panse
Tandis que l’homme terrifié s’enfuit sur la sente.
J’entre par la grande porte où le pont-levis se dressait.
Je gravis dans l’obscurité le colimaçon de l’escalier.
Que de marches ! J’atteins enfin le tout dernier palier,
Il y a des lustres, les fêtards avinés s’y pressaient.
J’entends maintenant une musique douce qui s’élève,
Des halos apparaissent qui se pavanent et se frôlent,
Tandis qu’à leurs pieds le bouffon saute et cabriole.
Soudain s’efface le décor, avec force le vent se lève.
Je redescends lentement, l’esprit rempli de fièvre.
La pierre se met à gémir sous la morsure du froid.
A chaque degré descendu s’atténue mon effroi,
Quand je passe la porte ce n’est déjà plus qu’un rêve…