LE POÈTE RESPECTUEUXÂ
J’avais toujours pensé que poète j’étais
Car je sentais en moi quelques affinités,
Et j’estimais avoir des goûts toujours normaux,
Même si j’adorais la musique des mots !Â
Alors j’ai essayé d’écrire un peu en vers,
Ne sachant pas encore que c’était un calvaire
Car je passais des jours à rechercher la rime :
« Peu importe le temps mais qu’elle soit sublime ! »Â
Que les rimes soient ‘plates’ ou rimes ‘croisées’
Ou même ‘monorime’ ou rimes ‘embrassées’,
La rime doit finir, de préférence riche,
D’une belle façon le deuxième hémistiche !Â
Alors j’ai essayé en quatrain, en tercet,
En sonnet, en sizain et même en triolet !
Des vers avec six pieds ou octosyllabiques,
L’alexandrin étant le sommet poétique !Â
Je faisais accorder platement : bicéphale,
Avec un mot précis, pensez donc : Bucéphale !
Je recherchais je crois, tous les termes parfaits
Pour terminer enfin ce quatrain que j’ai fait :Â
« Sa cuirasse assortie d’un soleil d’opaline,
Et son épée d’argent sertie de pierres fines ;
Sur son bouclier d’or un aigle bicéphale,
Droit sur ses éperons, il montait Bucéphale ! »Â
Je vérifiais toujours l’endroit de la césure,
Pour ne pas m’infliger l’avis de la censure.
Alors je composais dans les règles de l’art
En choisissant, des mots, la saveur du nectar :Â
« En ce siècle divin, Aristotélicien,
Où le savant devint péripatéticien,
Un sophiste arriva, niant le mouvement,
Diogène se leva et marcha lentement ! »Â
Même en le sectionnant, vous devez donc l’admettre,
Vous pouvez aussi bien le lire en hexamètre !
Et de ‘plates’ ces rimes qui sont proposées,
Deviennent par magie de vraies rimes ‘croisées’ :Â
Un poème bien fait, pensais-je de travers,
Doit être régulier dans la suite des vers ;
Et le rythme constant dans le nombre de pieds,
À l’intérieur du vers pour ne pas l’estropier !Â
Je pensais bêtement que ces règles communes
Étaient suivies de tous, par chacun et chacune.
Et puis je m’aperçois que je me suis trompé
À lire tous ces vers et poèmes ratés !Â
J’en relis quelques uns et je suis édifié :
Il n’y a aucune limite dans les pieds !
Les paragraphes sont de longueurs différentes
Et les rimes y sont pauvres et déficientes !Â
Poètes du dimanch’, si poètes nous sommes,
Aiguisons nos crayons et préparons nos gommes,
Monsieur Jourdain faisait sans savoir de la prose,
Soyons donc supérieurs, devenons virtuoses !Â
Mais si nous désirons écrire sans contrainte,
Sans règle ni méthode et surtout sans astreinte,
Alors, étalons-nous sans la moindre façon :
Ajoutons-y des airs, ça fera des chansons !Â
Il faut quand même avoir le respect du lecteur
Et ne pas proposer des vers de prosateur.
Je veux bien en ce monde un peu de fantaisie
Mais bon sang respectons l’art de la poésie !!!
Commentaires
Amicalement
Claire d\'Orée
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