Le vent mordait à pleines dents;
le grand chêne était capitaine,
les nuages soldats prussiens.
Face à eux, sur tes deux mille ans,
et empereur; et fantassin,
je n'avais peur d'aucun prussien.
Mon empire était un rocher
sur un océan de violettes
d'où à mains nues j'allais braver
les plus féroces des tempêtes.
Les vents se firent alors plus calmes,
les nuages moins menaçants,
le chêne était en quarantaine.
Sous la torpeur brise et cigales
chantaient des mots plus rassurants
que ceux de l'odieux capitaine.
Mon empire était un regard,
l'océan le pourtour de lèvres
qui éveillaient en moi l'espoir
d'apprivoiser un coeur en fièvre.
Le vent refit marche en avant,
sur le grand chêne souverain
défilaient des prussiens géants.
Face à eux, sur tes deux mille ans,
j'étais fantassin peu enclin
à livrer un combat dément.
Tu te fis alors île D'Elbe
sur un océan en tempête;
tu te fis alors île D'Elbe
sur un océan de défaites.
Le vent me mrod à pleines dents,
le grand chêne ignore mes peines,
les nuages s'en moquent bien.
Face à eux, sur tes deux mille ans,
je vogue coeur et âme en berne
sur des courants bien incertains.
Mon île D'Elbe, mon rocher,
sur cet océan en tempête,
mon île D'Elbe, mon rocher,
quand reverra-t-on des violettes?...
Lalain