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L'OIE SAUVAGE.
Â
J'ai ce soir l'âm' de l'écolier
que le vol lourd d'une oie sauvage
sur l'azur d'un livre d'images
de page en page emportait
à travers plaines et vallées
vers les sommets, vers les grands larges.
J'ai ce soir l'âm' de l'écolier
que les mots en savants tissages
des récitations du passé
invitent encore en voyage
sur des collines et des sentiers
où chaque pli est un rivage.
Â
Le temps s'efface peu à peu,
les sommets demeurent lointains;
le grand oiseau du livre bleu
a t il suivi le bon chemin?
Â
Il est des nuits, quand les vents changent,
à tire d'ailes une oie sauvage
noie mon regard dans le passé ,
perd ma tête dans des nuages
qui n'ont cesse de raconter
tous leurs détours, tous leurs voyages.
Il est des nuits, quand les vents changent,
j'entends leurs voix dans la vallée
murmurer des mots d'un autre âge,
des mots tissés pour s'évader.
Il est des nuits, les vents qui changent
font alors de moi leur otage!
Â
Le temps s'efface peu à peu,
le grand large est un point lointain;
loin de l'oiseau du livre bleu
ai je donc pris le bon chemin?
Â
Il est des soirs pourtant étranges
où patiemment sur la vallée
la nuit écrit pour moi des pages
d'amour que je n'osais rêver;
la nuit défile en images
où se perdent tous les grands larges.
Il est des soirs pourtant d'orage
où dans la nuit illuminée
un souffle court vient effacer
et le vol lourd de l'oie sauvage;
et les mots en savants tissages
des récitations du passé!
Â
Le temps s'efface peu à peu,
l'oiseau passe dans le lointain;
mais je lis dans un regard bleu
que j'ai bien pris le bon chemin!...
Â
Lalain.