« Un sonnet sans défaut vaut seul un long poème » (Nicolas Boileau)
Le sonnet est un poème à forme fixe. Il est composé de deux quatrains suivis de deux tercets. La rime subit certaines contraintes : Jusqu’au XVIème siècle la rime embrassée est utilisée pour les quatrains, pour le tercet, pas de véritable règle, mais plutôt des traditions nationales ; les rimes italiennes sont du style aba/bab, les françaises sont aab/cbc. Shakespeare, quant à lui, utilisera abab/cdcd pour les quatrains et abab/cc pour les tercets. Les rimes seront alternativement féminines et masculines et seront obligatoirement riches.
Seul l’alexandrin est autorisé.
Le sens doit être complet à la fin de chaque strophe et le dernier vers appelé « la chute » doit être le point d’orgue du poème.
Théodore de Banville énonce dans son « petit traité sur le sonnet » :
Le Sonnet est toujours composé de deux quatrains et de deux tercets.
Dans le Sonnet régulier - riment ensemble :
1° le premier, le quatrième vers du premier quatrain ; le premier et le quatrième vers du second quatrain ;
2° le second, le troisième vers du premier quatrain ; le second et le troisième vers du second quatrain ;
3° le premier et le second vers du premier tercet ;
4° le troisième vers du premier tercet et le second vers du second tercet ;
5° le premier et le troisième vers du second tercet.
Si l'on introduit dans cet arrangement une modification quelconque,
Si l'on écrit les deux quatrains sur des rimes différentes,
Si l'on commence par les deux tercets, pour finir par les deux quatrains,
Si l'on croise les rimes des quatrains
Si l'on fait rimer le troisième vers du premier tercet avec le troisième vers du deuxième tercet - ou encore le premier vers du premier tercet avec le premier vers du du deuxième tercet,
Si enfin on s'écarte, pour si peu que ce soit, du type classique,
Le Sonnet est irrégulier.
(...)
Le dernier vers du Sonnet doit contenir un trait - exquis, ou surprenant, ou excitant l'admiration par sa justesse et par sa force.
Lamartine disait qu'il doit suffire de lire le dernier vers d'un Sonnet ; car, ajoutait-il, un Sonnet n'existe pas si la pensée n'en est pas violemment et ingénieusement résumée dans le dernier vers.
Le poète des Harmonies partait d'une prémisse très juste, mais il en tirait une conclusion absolument fausse.
OUI, le dernier vers du Sonnet doit contenir la pensée du Sonnet tout entière. - NON, il n'est pas vrai qu'à cause de cela il soit superflu de lire les treize premiers vers du Sonnet. Car dans toute oeuvre d'art, ce qui intéresse, c'est l'adresse de l'ouvrier, et il est on ne peut plus intéressant de voir :
Comment il a développé d'abord la pensée qu'il devait résumer ensuite,
Et comment il a amené ce trait extraordinaire du quatorzième vers - qui cesserait d'être extraordinaire s'il avait poussé comme un champignon.
Enfin, un Sonnet doit ressembler à une comédie bien faite, en ceci que chaque mot des quatrains doit faire deviner - dans une certaine mesure - le trait final, et que cependant ce trait final doit surprendre le lecteur - non par la pensée qu'il exprime et que le lecteur a devinée -, mais par la beauté, la hardiesse et le bonheur de l'expression. C'est ainsi qu'au théâtre un beau dénouement emporte le succès, non parce que le spectateur ne l'a pas prévu - il faut qu'il l'ait prévu -, mais parce que le poète a revêtu ce dénouement d'une forme plus étrange et plus saisissante que ce qu'on pouvait imaginer d'avance.
Mais ne devrait-on pas, finalement, ne retenir que ce propos de Boileau dans « l’art poètique » :
On dit, à ce propos, qu'un jour ce dieu bizarre [Apollon],
Voulant pousser à bout tous les rimeurs françois,
Inventa du Sonnet les rigoureuses lois;
Voulut qu'en deux quatrains, de mesure pareille,
La rime, avec deux sons, frappât huit fois l'oreille;
Et qu'ensuite six vers, artistement rangés,
Fussent en deux tercets par le sens partagés.
Surtout, de ce poème il bannit la licence;
Lui-même en mesura le nombre et la cadence;
Défendit qu'un vers faible y pût jamais entrer,
Ni qu'un mot déjà mis osât s'y remontrer.
Du reste, il l'enrichit d'une beauté suprême:
Un sonnet sans défaut vaut seul un long poème.
Mais en vain mille auteurs y pensent arriver,
Et cet heureux phénix est encore à trouver.
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