Assis sur mon rocher, face à la mer, face aux vagues déchaînées, assis sur mon rocher, entre la Hague et Jobourg, j' écoute la complainte des éléments.
J' écoute la complainte des éléments qui ont tout l' air de vouloir me parler afin de me délivrer leur message, à moi qui ne suis pas marin.
Assis sur mon rocher, je m' imprègne du ciel changeant, là au-dessus de moi, au-dessus de Goury.
La baie d' Ecalgrain désertée, baignée de vagues noires et mauves, flirtant avec le ressac indomptable où elle ne peut se mirer, semble fragilisée.
Et moi, assis sur mon rocher, les joues fouettées par les embruns, je n' ai même pas l' idée de m' abriter, laissant la mer me faire goûter à ses larmes iodées.
Assis sur mon rocher, je regarde le ciel et soudain le soleil m' apparaît entre de lourds cumulus menaçants. Il a surgi du firmament durant un bref instant, et mes yeux se fixent sur le disque rougeoyant, sur l' astre céleste qui sombre lentement dans l' océan, là -bas vers un autre occident.
Assis sur mon rocher, d' un seul coup d' oeil, d' un seul regard, je me fonds dans ce décor sauvage teinté d' ocre et de violine, je me fonds dans cette nature belle à en pleurer qui me ceint et m' emprisonne, entre maquis bretons et landes irlandaises.
Suis-je donc bien en Normandie ?
Assis sur mon rocher, le corps, le coeur et l' esprit en exil, je me laisse emporter par mes songes qui me laissent à penser que je suis seul sur Terre, oui seul et privilégié de me voir offrir ce concert, ce spectacle, cette féerie, par cet univers marin qui m' assène qu' il existe, à moi le misérable humain qui lui doit le respect.
La mer gronde avec férocité, le vent souffle à vouloir tout briser et, soudain, la pluie se déchaîne, apportant son concours à la Manche enragée qui, telle une Harpie, donne la charge à la Hague recroquevillée sur elle-même, habituée à ses coups de colère, à ses coups de boutoir.
Assis sur mon rocher, trempé et dégoulinant, j' ai peine à distinguer le phare, sentinelle isolée accrochée à la mer, assise elle aussi sur son rocher à endurer les caprices de Neptune et de Jupiter réunis dans leurs assauts.
Assis sur mon rocher, je crois qu' il est temps que je parte, que je délaisse Goury.
Le crépuscule tombant me chasse et je sais que dès que j' aurais quitté ce lieu divin, la Hague aura retrouvé toute sa sérénité, sa quiétude, jusqu' à ce que je revienne m' asseoir sur mon rocher......
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Jean-Claude FISSOUN
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