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XI Boulangers pâtissiers, marchands de légumes, fleuristes, libraires : équivalence des choses étalées sous le regard, faire signe et langage fleuri, imagé, métaphorique

Un jour, les pains blonds de la boulangerie, les croissants chauds qui dégageaient une odeur alléchante lorsqu’on tourne au coin de la rue, les tartes aux fruits cuits, les religieuses au chocolat, les gâteaux de pâte d’amande alignés les uns à côté des autres comme les livres d’une bibliothèque ou comme les soldats de plomb d’une armée en marche se mettaient à danser et luire sous mon regard subjugué, à rappeler les champs de blé d’or ou les tournesols de Van Gogh, les meules de foin comme des soleils qui roulent, la brillance et l’aspect soyeux d’une chevelure rousse ou mordorée. Les différentes variétés de pains, les abricots, les fraises, les quetsches, les macarons, les charlottes aux framboises, les gâteaux d’anniversaire artistement présentés s’allumaient, comme une étincelle met le feu aux poudres, dans un jeu de couleurs étincelantes, jaunes et dorées comme du beurre fondu, brunes et rouges brique comme le pain, ocres comme le sable chaud, de couleurs vives comme celles d’une robe d’été, de fleurs fraîches et sauvages, de l’aube vermeille, rose et sucrée.
Un autre jour, c’étaient les légumes, les potirons étalés comme les fesses joufflues des angelots dans leurs langes ou comme les chérubins grassouillets de Rubens, les courgettes longues comme des phallus, les aubergines dodues et potelées comme un oreiller de chair et violettes comme les myrtilles au goût savoureux que je cueillais dans les forêts du Jura où je passais mes vacances et où mes cousins et moi trouvions une cachette pour nos jeux ou comme la teinture d’iode dans laquelle la jeune fille au pair me faisait prendre des bains, les poivrons rouges comme des lèvres peintes et pulpeuses, à la fois tendres et croquants, les tomates comme des seins maternels, en forme de poires ou de pommes, sur lesquels se reposer de la lassitude de l’existence ou comme des gouttes de sang qui perlent d’une blessure, ces légumes du soleil composaient à mes yeux un tableau d’Arcimboldo qui semblait non pas prêt à déguster mais à regarder, à savourer des yeux seulement bien qu’il fût entièrement conçu à partir des choses de la nature mais dont la signification allégorique était particulièrement manifeste chez ce peintre. Ces fruits et légumes ne m’émerveillaient pas seulement pour leur signification allégorique, car, ce que j’aimais le plus en eux c’était leur éclat divin, l’or de la pomme de terre, le rose nacré de l’ail, le brillant oranger de l’oignon.
La métamorphose des choses en signes ou en symboles que j'accomplissais, choses, signes et symboles ne faisant qu’un, dans la mesure où notre perception du dehors ne s’effectuait qu'au travers des mots comme par une vitre et que nous n'accédions à la vérité que par la poésie, l'écriture permettant de penser, voir et entendre.

Mais qu’était un mot, une phrase, un texte s’ils nous permettaient seuls d’accéder au réel et s’ils étaient les seuls ouvriers, les seuls outils, les seuls moyens pour nous êtres humains, d’entrapercevoir l’extériorité, sinon une sorte de miracle qui s’accomplissait à chaque instant de notre existence et qui en faisait non de seuls outils mais des phonèmes, des bruits sémantiques en vue du dévoilement - si tant est qu’on ne tombe pas ainsi dans une conception instrumentale du langage. Les choses étalées sous le regard consistaient en ce qu’elles étaient là seulement pour faire signe au poète afin qu’il perçoive leur luminosité, leur visage au travers des couleurs et les traduisant mettent en œuvre la vérité, ou plus humblement sa vérité.
Mais le mot seul, pendant de la chose, n’avérait, comme le disait Aristote, ou ne trompait que si l’on lui ajoutait quelque chose, un prédicat, adjectif ou nom, grâce à un verbe qui pouvait se ramener à une périphrase comprenant la copule « être » et le participe présent du verbe employé, de sorte que la vérité traditionnellement se trouvait dans le jugement et non dans le simple nom, c'est-à-dire dans la liaison entre un sujet et un prédicat grâce à un verbe ou une copule comme « être », qui à la signification nominale ajoutait la notion du temps.
En allemand le verbe se disait « Zeitwort » littéralement « mot du temps ». Il aurait fallu ajouter que le verbe était mot de l’Être puisqu’il pouvait toujours se traduire par une périphrase comprenant le verbe être. A condition que la phrase ou le texte disent autre chose qu’un on-dit. Le verbe « être » était autre chose qu’une copule si et seulement si la phrase, le vers n'étaient pas stéréotypés mais disaient l’être de la chose.
Heidegger soulignait que le lieu de la vérité était non pas dans le jugement mais dans le Dasein, l’être-le-là de l’éclaircie, ou oeuvrant, il mettait à jour, dévoilait la vérité, l’aletheia. Souvent, j'avais ressenti l'ouverture de mon âme au sacré, à la lumière divine, à l'aura mais je n'avais pas encore trouvé les mots vrais pour traduire ce que je ressentais.
Cette véracité de la phrase ou du texte, que je devais mettre en oeuvre afin d'illuminer le lecteur, s'inspirait d'un sens caché dans les choses de la vie quotidienne qu’il fallait interpréter, découvrir, décrypter à même la réalité à l'état brut et qui affleurait à ma conscience seulement dans le rêve et l’illumination, ce pouvoir métaphorique par lequel je substituais aux choses tombant sous le regard des signes, dans une analogie qui avait comme rôle d’amener à la présence une réalité invisible, c’était le propre du regard que je portais en une perception pure sur les choses, dans ma volonté d’unifier des significations éloignées et qui paraissaient distinctes, d’accorder mon âme à la matière, de trouver entre mon esprit et les choses qui tombaient sous ses sens un point commun, une commune mesure, un rapport d’unité.

La vérité de cette analogie était dans l’entre-deux des choses et de l’esprit, dans la spiritualisation de la matière. De cette communion avec la nature, naissait une image, un poème et un chant, la clarté trouvée n’étant jamais que le résultat d’une lutte contre l’obscurité profonde de l’esprit humain et de la mémoire.
Ailleurs, je rencontrais chez les fleuristes de mon quartier le sortilège d’odeurs, de senteurs, de fragrances, de couleurs, comme une pluie de pétales d’arbres en fleurs qui tombe dans un jardin au printemps, comme un parfum cher, comme des produits de beauté, crèmes, sels de bains, laits dont la douceur caresse le corps de la femme et donne à sa peau le velouté d’une fraise ou d’une framboise, j’écoutais monter le cantilène des roses pourpres et des œillets, symboles de l’amour fidèle, le roman des amours fous et des passions déçues, le poème des larmes de sang et des voluptés tendres – dîtes-le avec des fleurs – je pressentais le soin qu’exige l’entretien d’une tendresse réciproque dans le caractère si éphémère, si poignant, dans la fragilité d’une fleur, bleuet ou pivoine, bleue ou rose, par l’attention de chaque instant qu’elle nécessitait. Dans cette jungle des marchands de fleurs, au milieu des feuillages, des bouquets, et des pots, je trouvais aussi le même savant désordre que celui qui régnait chez la libraire d'en face, comme un souk, un bazar où la seule marchandise, qui occupait la moindre parcelle d’espace était cette denrée en voie de disparition, le livre.
La librairie de mon quartier, la librairie 1789 - je la voyais de ma fenêtre, je m’étais installée dans cet appartement sans savoir que je pouvais simplement en traversant la rue accéder à un trésor, à des richesses innombrables comme dans un sarcophage - était un temple, un sanctuaire, une pyramide où officiait la grande prêtresse du livre, Colette Loyer. Ce devait être la plus petite librairie de tout Paris et pourtant, on y dénichait toujours en furetant un livre qu’on ne trouvait nulle part ailleurs, et puis sa petite dimension faisait qu’on n’était pas noyé par l’abondance des titres édités chaque mois et qui sombreront dans l’oubli quelques semaines plus tard. Que cette librairie ait pu survivre pendant si longtemps c’était non seulement un acte d’héroïsme mais une volonté de résistance à la médiocrité de l’édition, dans l’absence totale de compromis avec les livres qui se vendent et assurent le chiffre d’affaires. La parenté entre cette librairie et un commerce ordinaire était extrêmement lointaine et Colette Loyer la suggérait seulement par des étiquetages qu’on pouvait trouver encore sur l’étal d’un boucher plantés au moyen d’une pique dans un morceau de viande et qui indiquait le prix précédé de ce simple terme : « la pièce ». C’était un clin d’œil de Colette au fait que son père, qui l’avait abandonnée, était boucher. Dans cette librairie, j’avais toujours trouvé une écoute, une oreille attentive à ma pensée, un réconfort, dans ce lieu se disaient des propos d’honnêtes gens, c’était le rendez-vous des liseurs, un espace de liberté, un souffle face au désert culturel .
Lire un livre qu’on avait acheté dans cette librairie, c’était une garantie de qualité et combien d’heures ai-je passé à lire les livres que Colette avait choisis pour moi et je l’en remercie.

Puis un jour je m’étais mise à écrire, c’était longtemps après ma rencontre avec François Fédier dont j’avais été l’élève pendant de longues années et qui m’avait conseillé de traduire la poésie de Trakl en vers rimés lorsque le texte original l’était aussi. Après cette entrevue, j’étais restée abasourdie, incapable de faire ce qu’il me disait et très angoissée et ce n’est qu’après une autre rencontre avec une amie peintre, Florence Marie, qui m’avait encouragé à le faire que je m’étais résolue à écrire et traduire.
En réalité j’avais depuis toujours écrit mais insatisfaite de mon œuvre je l’avais brûlée. C’est seulement lorsque j’avais commencé à écrire des poèmes en vers rimés que j’avais commencé à dire quelque chose, les mots tissant entre eux des échos sonores, des consonances, des réseaux sémantiques. Mais cette écoute de la musicalité du langage me mettait face à un abyme vertigineux.
Car cette recherche de l’Être reléguée au rang des illusions métaphysiques, des chimères de la pensée rationnelle par Kant pouvait conduire à une impasse, à un cul de sac. L’écriture d’un poème pouvait échouer, l’écoute silencieuse du langage ne pas se traduire par des mots, les Dieux source d’inspiration se révéler trompeurs. Seuls quelques textes étanchaient ma soif spirituelle, car écrire était un acte qui ne s’accomplissait pas sans danger, la poésie ayant une étroite parenté avec la folie : le poète était un voyant, un halluciné, un mystique du Verbe, une sorte d’étranger sur cette terre qui regardait le monde avec des yeux entièrement neufs et en extrayait une musique, un rythme, des images qui n’étaient que le reflet de son feu intérieur. Mais à ce feu, son esprit pouvait se consumer, sa raison s’ébranler, son âme se perdre. La forme, le style seuls étaient les garants de sa santé mentale.

Claire d'Orée


Commentaires   

#1 Tom 09-02-2010 22:43
Je me sus permis de mofier la taille du texte et la police, c'était illisible

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  • Tétanisante inertie
    28.05.2020 12:18
    procrastination ?
     
  • Larme...
    28.05.2020 12:17
    je pense que je voulais dire un truc spéciale... caché... intrigant :-)
     
  • Larme...
    28.05.2020 12:15
    bah en fait je ne sais même plus ce que voulais dire !! lol :-) en tous cas attristés prend ées :-)
     
  • Haïku doré
    26.09.2012 16:01
    Bon Jour, Ciel, Si je puis me permettre, en toute amitié: 5/7/5 Vaste champ d'épis - Mot de saison ...
     
  • Lettre par Aurore Dupin
    23.09.2012 10:27
    aurore Dupin est le vrai nom de George Sand, elle a envoyé cette lettre à Alfred de Musset... je vous ...