La montagne noire sur du blanc
Impose son silence avenant
Aux lumières de la vallée entassée
Sous le poids des nuages amoncelés
Gardiens perpétuels de la route
Aux phares codée pour mieux surveiller
La venue du bon touriste blanc à l’écoute
Des bourrasques de vent tourbillonnantes et enneigées
Qui se doute que là-haut , plus haut
Dans les séries de lacets qui ne cessent d’effleurer
Les épines de sapins au grand repos
De tant et tant d’années de longévité
Avance , s’avance à grand’peine
A pas lourds de ses bottes cloutées
Fatigué , usé jusqu’à en perdre l’haleine
L’esquisse de la silhouette ci-nommée
LONESOMEMAO
Lonesomemao s’approche , son aspect mieux entrevu
Entre les quelques flocons épais disséminés
Qui s’écartent légèrement à la venue
De ce visiteur , étranger dénaturé
Le regard broyé dans le calme d’une inquiétude
Qui fige ses traits finement crispés
Par l’effort d’une vie pleine de l’étude
Des plaisirs révoltés aussitôt réprimés
Les yeux du battu qui courbe l’échine
Aux aguets , à l’abri dans son grand manteau
La démarche qui claque , le vent en sourdine
Le protégeant des effets répétés de l’écho
Symphonie hivernale , lente et câline
Joue l’adagio du plus beau des héros
En ré mineur , arrive un rai de lumière
Fusant à la vitesse du plus vif des éclairs
L’onde , l’ultra-choc, la musique a stoppé
Devant le cri affreux de la bête qu’on abat
Terrassée par la douleur , le sang se met à couler
Ruisselant le long du cimetière en appât
Aux quelques gros rats qui s’enfuient épouvantés
Par le crissement des pneus de l’engin tout peureux
Le meurtre du parisien trop pressé
De se bronzer le face blanche
A l’abri , dans son grand restaurant
Camouflé par ses parois étanches
Oubliera nerveux qu’il s’en va fanant
Laissant sa victime qui dessine
Son ombre se relevant à force de gémir
Des avalanches de plaintes douloureuses
Coagulées sur le front du désir
De vaincre les heures les plus honteuses
Errera avant de trouver le sentier battu
Aux arbres rares , décapés de toute vie
Ultime voie de passage pour le vaincu
Lieu de perdition aux sinistres idéologies
S’arrêtera souvent pour panser sa dérobade
Lonesomemao a mal , a mal , il râle
Le mâle , malade , avance par saccades
S’accroche à une roche ogivale
En scrutant l’horizon sous son arcade
Déjà fonce sur lui la horde de sangliers
Il se tapit , il se blottit sous une racine
Fonce sur lui , la proie déjà bien repliée
Dans la neige , camouflée , ils la scrutent et la devinent
D’un bond , hurleront ses yeux de feu
Coupant net l’assaut et ses piétinements de sabots
Immolant de son épieu , leur chef hideux
Plantant son triomphe enflammé de son drapeau
Epouvantant les autres , toute cette cohorte
Fuyant l’espèce humaine et ses grands domaines
Où il continue , continue la blessure à l’aorte
S’élançant droit au cœur de l’abdomen
Oublie ses pieds gelés et de tristes congénères
Couchés au sommet , à l’épier
Elles brillent leurs Durandals meurtrières
Et la pointe de leurs farouches épées
Sous la lune alertant ses nerfs et ses réflexions
Les contournera et les basculera par derrière
La Jacquerie l’a amené à cette terrible action
Dansant et galvaudant sur ses arrières
Sur le corps inerte en putréfaction
Du méchant hobereau et de ses fiers ergots
Volés au serf dans la rapine et la famine
Qui a faim de la vie qui pousse ses haros
Bien en dessous de zéro , le glacier est proche
Haletant , allaitant son espoir renaissant
S’agrippera aux moraines anicroches
Points sombres disséminés phosphorescents
Lui reste la bifurcation dans sa divagation
Attention à sa panse ressentant le récent
Et sa folie blanche , s’affaissera sur une planche
Gémissant faiblement puis silencieusement
Inexorablement , le froid se penche sur sa hanche
En sang , près de la roue rouillée de l’Histoire
Se remettant à tourner et à tournoyer
Le happant dans son sens giratoire
Le propulsant près d’une cabane , c’est le refuge
L’échaudant , le réveillant vers cet ultime but
Où l’attend désespérément cette femme juge
Et son violon long , accordé en clé d’ut
Jouera la mélodie convenue et bienvenue
A sa convalescence , déjà les réminiscences
Encore inconscientes , déjà il a couru
Arrivant , gisant dans l’autre en effervescence
Les deux versants ont fini par se rejoindre
Dans leurs entrailles déchirées et décidées
Brûlant leurs plaies dans le plaisir où peindre
Et agiter l’Amour dans sa face toute Idée
Nouée sur un lit improvisé , brûlent leurs cœurs
Convulsionnés , émotionnés où s’échappent des mots
Enflammés dans l’âtre fournaise et ses lueurs
S’endormiront côte à côte , dos à dos
Il sera son alibi , elle sera sa couverture
Hiberneront dans leurs mourons qui fondent
S’éveilleront enlacés tendrement dans leurs ligatures
Un soleil boréal flâne dans sa tiède ronde
Ils loueront l’arrivée céleste du printemps
Se roulant dans l’herbe jeune et grasse
Débouleront la pente où le Temps se reprend
Inventeront mille jeux plus ou moins cocasses
Laveront leurs torpeurs dans l’eau du ruisseau
Saluant la compagnie d’aigles relaxes dans les airs
LONESOMEMAO doit déjà rejoindre le réseau
Il doit chercher et trouver leur repaire
La femme que j’aime , bella ciao
Je vais cueillir pour toi une rare primevère
Poussant plus en aval de ces eaux
Où enfants , on se narguait naguère
Mon ami Liberté y est , il Partigiano
Rendez-vous dans la vallée avec ton trésor
Il court , longeant les barbelés de l’encéphale de métal
Puis se dilue , éclate en multiples accords
En ce quatorze juillet ensoleillé et musical
Où est Lonesomemao ?
Il sera sanguinolent chaleureusement dans ses premières règles
Elle a des formes menues , elle est déjà si espiègle
Il pleurera des larmes de sueur et de bonheur
Sur le front perlé du tranquille travailleur
Il sera assis près de la fontaine qui pisse
Les retraités , assis , émerveillés par ses doux auspices
Lonesomemao les verra mourir , lui qui ne peut mourir
Aux quatre coins du monde et de son large sourire
LONESOMEMAO a cent ans tous les cent ans
LONESOMEMAO a vingt ans tous les cent ans
LONESOMEMAO
LONESOMEMAO
LONESOMEMAO
AVRIL A NOVEMBRE 79